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Comment réagir face à un locataire qui sous-loue le logement sur des plates-formes en ligne ?

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Publié le 16/09/2019

Le cas dans lequel un locataire sous-loue tout ou partie d’un bien pour de courtes durées se rencontre essentiellement dans le cadre des baux conclus à titre de résidence principale, soit les baux soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Or, l’article 8 de cette loi interdit la sous-location sauf avec l’accord écrit du bailleur y compris sur le prix du loyer. Cette interdiction est le plus souvent rappelée dans le bail. Elle est mentionnée dans la notice d’information devant être annexée aux baux conclus ou renouvelés depuis le 1er août 2015.

RÉSILIATION JUDICIAIRE DU BAIL

En cas de manquement des locataires, les tribunaux peuvent se montrer d’une relative clémence. Ainsi, dans un cas où un locataire n’avait procédé qu’à un nombre peu important de sous-locations prohibées et n’en avait plus effectué de nouvelles après que ses obligations lui avaient été rappelées par le bailleur, la cour d’appel de Paris a considéré que ces manquements ne justifiaient pas la résiliation judiciaire du bail et la condamnation du locataire à des dommages et intérêts(1). Quand bien même nul n’est censé ignorer la loi, et a fortiori ses obligations contractuelles, ces sanctions peuvent en effet paraître disproportionnées lorsque les locataires rentrent dans le droit chemin.

Les manquements criants des locataires sont toutefois sanctionnés. Ainsi, la cour d’appel de Paris a prononcé la résiliation du bail d’un locataire qui avait procédé à de nouvelles sous-locations après qu’un premier jugement avait écarté cette sanction tout en considérant que la procédure engagée à son encontre devait constituer pour le locataire un « avertissement solennel d'avoir désormais à se conformer strictement aux obligations résultant du bail et de la loi du 6 juillet 1989 »(2). Cette même cour a également prononcé la résiliation d’un bail dont le locataire ne vivait plus dans le bien loué mais y avait installé son fils qui le sous-louait régulièrement et le faisait ainsi occuper plusieurs fois par an par des touristes étrangers(3).

CONGÉ POUR MOTIF LÉGITIME ET SÉRIEUX

Les décisions de justices présentées ci-dessus traitent de cas où une action en résiliation judiciaire du bail a été engagée contre le locataire mais il nous semble que la sous-location répétée pour de courtes durées sans l’accord du bailleur pourrait également constituer un motif légitime et sérieux de congé permettant au bailleur de résilier le bail à son échéance, s’agissant d’un manquement du locataire à l'une des obligations lui incombant.

DOMMAGES ET INTÉRÊTS

La condamnation d’un locataire qui ne respecterait pas ses obligations contractuelles à verser des dommages et intérêts au bailleur ne va pas de soi. En effet, quand bien même le locataire a commis une faute, le bailleur ne peut prétendre à des dommages et intérêts que s’il démontre que cette faute lui a causé un préjudice. La question s’est donc posée de savoir si le bailleur subit un préjudice du seul fait que le locataire sous-loue le logement sans son autorisation.

En 2016, le tribunal d’instance du Ve arrondissement de Paris(4) a répondu par l’affirmative en condamnant des locataires à verser la somme de 5 000 € à leur bailleur en réparation du préjudice moral qu’il aurait subi du fait de la sous-location prohibée de son bien pendant trois ans. Cette décision a été critiquée par la doctrine qui restait dubitative quant à la réalité de ce préjudice moral alors qu’aucun préjudice matériel ou financier n’avait pu être démontré.

Les locataires ont d’ailleurs fait appel de ce jugement. Mais mal leur en a pris.

En effet, dans un arrêt rendu en 2018, la cour d’appel de Paris a bien débouté le bailleur de sa demande en réparation de son préjudice moral. En revanche, elle a condamné les locataires à verser au bailleur les loyers perçus au titre des sous-locations prohibées, soit la somme de 27 295 €. La cour a considéré que ces loyers provenant de sous-locations non autorisées constituaient des fruits civils qui devaient revenir au bailleur en sa qualité de propriétaire (5).

Suite à cet arrêt, le tribunal d'instance du XVIIe arrondissement de Paris a rendu une décision similaire, condamnant cette fois un locataire à verser au bailleur la somme de 46 277 € correspondant aux loyers perçus au titre de sous-locations de courtes durées non autorisées. Dans cette affaire, le locataire a en plus été condamné à verser au bailleur une somme de 1 000 € de dommages et intérêts, non pas en réparation d'un préjudice moral (le bailleur a été débouté de cette demande) mais en réparation de la mauvaise exécution par le locataire de ses obligations contractuelles...(6)

Dans un arrêt rendu le 12 septembre 2019, la Cour de cassation qui avait été saisi d'un pourvoi formé contre la décision rendue par la Cour d'appel de Paris a validé son raisonnement : " sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire " (7). Les bailleurs sont donc bien fondés à demander aux locataires de leur verser les loyers des sous-locations non-autorisées.

Ceci constitue pour les bailleurs un moyen de pression déterminant pour faire cesser les sous-locations.

ATTITUDE À TENIR À L'ÉGARD DES LOCATAIRES FAUTIFS

Lorsqu’un bailleur ou son mandataire apprend qu’un locataire procède à des sous-locations prohibées, il ne doit pas hésiter à lui notifier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou à lui faire signifier par huissier une mise en demeure de mettre un terme à ces agissements après lui avoir rappelé ses obligations, faute de quoi un congé pour motif légitime et sérieux pourra lui être donné pour le terme du bail, ou, si ce terme est éloigné, une action en résiliation judiciaire du bail engagée à son encontre. Il pourra utilement être rappelé dans la mise en demeure qu’il a été jugé que les loyers perçus au titre de sous-locations prohibées constituaient des fruits civils qui devaient être remboursés au bailleur, en conséquence de quoi le locataire n’a rien à gagner à poursuivre ces sous-locations.

Dans la perspective d’une éventuelle action en justice si le locataire poursuit ses agissements fautifs, il convient de conserver tous les éléments permettant de prouver ses manquements ainsi que les mises en demeure infructueuses du bailleur (annonces de location émanant du locataire, témoignages, plaintes du voisinage, constats d’huissier…). En cas de saisine de la justice par le bailleur, le tribunal appréciera en effet s’il convient de lui donner droit au regard des éléments qui lui seront communiqués. Si la réalité et la gravité des manquements du locataire ne sont pas démontrées, le bailleur pourra donc être débouté.

AUTORISATION DES SOUS-LOCATIONS

Il peut arriver que des locataires plus avertis de leurs devoirs demandent au bailleur l’autorisation de sous-louer pour de courtes durées le bien qu’ils louent à titre de résidence principale. Il est toutefois délicat d’apporter une réponse favorable à une telle demande.

En effet, la tendance de la jurisprudence est à considérer que les locations de courtes durées, du fait des services qui les accompagnent, constituent une activité commerciale. Or une telle activité ne devrait pas pouvoir être exercée dans un local loué à titre d’habitation principale ou mixte professionnel et d’habitation principale. Si le locataire entend proposer des prestations de services aux sous-locataires, l’autorisation devrait donc être refusée.

De plus, la loi du 6 juillet 1989 qui encadre les locations  à titre de résidence principale présente un obstacle à l'autorisation des sous-locations pour de courtes durées. En effet, son article 8 qui soumet les sous-locations à l'autorisation du bailleur dispose que " le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal." Les loyers des locations de courtes durées étant le plus souvent bien supérieurs à ceux des locations à titre de résidence principale, ces dispositions, qui sont d'ordre public, ne permettraient au locataire de ne procéder qu'à peu de sous-locations ou à un loyer faible.

Par ailleurs, si le bien loué est situé en copropriété, le bailleur doit s’assurer que la demande du locataire est conforme au règlement.

Le bailleur pourra également être inquiété si les sous-locations causent des troubles au voisinage.

Il devra enfin veiller à ce que le bien ne soit pas sous-loué plus de quatre mois par an faute de quoi le locataire ne satisferait plus à son obligation d’occuper les lieux à titre de résidence principale.

 

(1) TI Paris 15e, 9 mai 2017, Régie immobilière de la Ville de Paris c/Mme X ; TI Nogent-sur-Marne 21 février 2017, n° 11-16-000860.

(2) CA Paris, pôle 04 ch. 03, 8 septembre 2016, n° 14/06505.

(3) CA Paris, pôle 04 ch. 04, 10 mai 2017, n° 15/15007.

(4) TI Paris 5e, 6 avril 2016, Loyers et copr. 2016, n° 163.

(5) CA Paris, pôle 04 ch. 04, 5 juin 2018, n° 16/10684

(6) TI Paris XVIIe, 24 octobre 2018, RG N° 11-18-211247

(7) Civ. 3e, 12 septembre 2019, n° 18-20727

Source initiale FNAIM, complété par CURUTCHET IMMO

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